Vous les avez peut-être déjà croisés dans certaines villes ou même à la campagne ; si c’est le cas, vous avez certainement reconnu leur posture singulière, leur démarche atypique. Néanmoins, ne vous y trompez pas, ces femmes et ces hommes représentent le devenir de notre espèce…
Une posture, des ambitions
Jean-André fait partie des précurseurs de la quadrupédie. De sa terre auvergnate, il a puisé la force d’un retour à la nature, « Après avoir lu un livre d’Yves Coppens sur les origines de l’humanité, j’ai compris que nous étions devenus bipèdes pour nous adapter aux évolutions de notre environnement, pouvoir cueillir des fruits, accéder à des ressources plus facilement mais aujourd’hui, avons-nous encore besoin de nous redresser pour nous alimenter, pour vivre notre quotidien ? ».
Fiona, elle, a rencontré la quadrupédie lors d’un stage de développement personnel dans la région du Perche : « En me recontactant aux arbres et à l’herbe, aux écureuils et aux nénuphars, j’ai compris que ma nature profonde se trouvait loin de la civilisation. Avec mon conjoint Jean Pierre, nous avons fait le choix de rester à 4 pattes. Cela fait 2 ans que nous vivons de cette façon et jamais nous nous étions sentis si proches de nos valeurs ancestrales. »
Séminaires de réunification et Free shiting
La quadrupédie n’est pas quelque chose d’inné, elle s’apprend. Pour aider les nouveaux pratiquants à mieux appréhender cette démarche profonde et spirituelle, des « séminaires de réunification » leur sont proposés.
« Les séminaires sont l’occasion de retrouver l’animal quadrupède qui repose en chacun de nous ; nous y convions nos amis les bovins, les ovins et même les porcins. Nous formons une communauté qui ne fait plus qu’un, le bétail et les homo sapiens-sapiens se réunissent en cercle et se réunifient. Nous encourageons les participants à beugler et à bêler à l’unisson du bétail qui les entoure. Ce sont de très beaux moments de communion », témoigne Agathe Primathe, présidente de l’association des quadripèdes de France (AQF).
« Nous formons une communauté qui ne fait plus qu’un, le bétail et les homo sapiens-sapiens se réunissent en cercle et se réunifient »
Autre moyen de contacter le quadripède qui sommeille en chacun(e), la pratique régulière du Free shiting. Ce concept d’origine indienne consiste à s’autoriser à déféquer, librement, sans tenir compte des regards et des jugements d’autrui, « Pour le Free shiting, je demande aux nouveaux membres d’évacuer leurs jugements négatifs et de se laisser aller, tranquillement, à accomplir la chose la plus naturelle qui soit, tout cela en pleine conscience. La pratique fonctionne encore mieux en présence de bovins qui eux, depuis longtemps, ont évacué l’auto-jugement pour ne faire qu’un avec la nature », précise Agathe Primathe.
Notons que le Free shiting peut-être récupéré, séché puis servir d’engrais pour la permaculture.
Une vie quotidienne à réinventer
Pour ces adeptes du retour à la nature, la vie quotidienne se trouve tout de même chamboulée. Les règles de vie classiques deviennent caduques et il convient trouver de nouveaux repères…
« Vivre à 4 pattes du matin au soir n’est pas chose aisée, les genoux doivent s’habituer et les jambes se déployer différemment ; l’idéal est de disposer de chiens ou de chats chez soi afin d’imiter leurs mouvements, de s’inspirer de leur dextérité motrice », conseille le vétérinaire comportementaliste Jean Claude Moreno.
En parallèle, plusieurs grandes enseignes commencent à prendre en compte ce marché naissant. L’enseigne Nikéa propose depuis peu des modèles de cuisine adaptés aux quadripèdes intégrant des plans de travail plus bas, des placards de rangements de 80 centimètres de hauteur au maximum. Pigeot développe également une voiture semi-autonome pour quadripèdes dans laquelle le siège conducteur est plane afin d’accueillir les 4 membres en toute sécurité. Enfin, Le Roi Merlin présente des systèmes de douche à l’italienne pour lesquels les mitigeurs se trouvent à 50 cm du sol.
Notre regard et nos pratiques doivent évoluer
Les grandes marques comprennent les enjeux et potentiels de ces nouveaux modes de vie mais qu’en est-il de notre regard de bipèdes à l’endroit de ces pionniers de la quadrupédie ? Selon Madame Primathe, il conviendrait de disposer de modèles d’identification pour faire avancer la cause de la quadrupédie en France : « À quand des présentateurs de journaux télévisés quadrupèdes, des chanteurs et chanteuses autres que Lady Gaga capables d’effectuer l’entièreté de leurs concerts à 4 pattes ? ».
Cette interrogation légitime, la rédaction de Soir Matin se la pose également ; elle s’est d’ailleurs concrétisée il y a peu en exigeant des stagiaires qu’ils se mettent en position quadrupède lorsqu’ils servent le café ou se rendent à la photocopieuse. Notre équipe de journalistes, engagée dans les grandes causes de son époque, ne peut d’ailleurs que déplorer le retard des pouvoirs publics en la matière : combien de bureaux de postes sont adaptés aux quadripèdes ? Comment font-ils pour effectuer leurs démarches administratives alors que les guichets se révèlent le plus souvent inadaptés ?
