L’idée de manger de l’herbe peut paraitre saugrenue au premier abord mais elle représente pourtant une solution d’avenir pour faire face aux défis écologiques et alimentaires qu’il nous faut collectivement relever…
Étude sur les comportements
Avant de se lancer dans de coûteux projets de recherche, une grande étude a été menée dans 12 pays européens ainsi qu’aux États-Unis. L’objectif était d’évaluer les consommations alimentaires passées, actuelles et leurs évolutions probables au cours des 30 prochaines années.
« En quelques dizaines d’années, on est passé d’une consommation omnivore – à base de viande – à un régime alimentaire de plus en plus végétal. La prochaine étape, logique voire naturelle, pourrait être l’ingestion d’herbe fraiche en grande quantité », explique le responsable de l’étude.
À la question : « Seriez-vous prêt à manger de l’herbe pour contribuer à sauver la planète ? », 61% ont répondu « oui, une fois par semaine », « 55% ont répondu « oui, plusieurs fois par semaine » et 38% ont répondu « oui tous les jours, à chaque repas ». Ces résultats – significatifs et prometteurs – ont amené les chercheurs à concentrer leurs efforts en direction de ces populations à la fois conscientes des enjeux environnementaux et prêtes à modifier en profondeur leur mode de vie.
La recherche progresse
Depuis une dizaine d’années, des chercheurs du M.I.T. en collaboration avec l’université Paris Saclay étudient les conséquences de l’ingestion d’herbe sur l’appareil digestif des êtres humains, « Nous avons beaucoup progressé dans la compréhension des mécanismes qui rendent ce type d’ingestion actuellement incompatible pour les êtres humains. Nous les comparons avec celle des herbivores tels que les bisons et les bouquetins », détaille John Grass, professeur à la célèbre université américaine.
En s’inspirant de l’appareil digestif de ces herbivores, les chercheurs ont pu mettre au point une technologie innovante et prometteuse, « L’idée est de transformer nos appareils digestifs de manière à le rendre compatible avec la rumination ; cette évolution majeure est à portée de main », indique John Grass.
De premières implantations ont même été effectuées, début 2022, auprès de volontaires français et américains, « Nous avons choisi des personnes végétariennes et végétaliennes afin que la transition soit plus aisée. Nous retirons l’estomac et le remplaçons par une prothèse qui permettra la digestion de fortes quantités d’herbe. L’opération dure environ 1h15 et pourrait se révéler plus courte une fois que les équipes seront habituées », précise le professeur.
Un défi : apprendre la rumination
Malgré ces avancées spectaculaires, une difficulté majeure persiste. En effet, pour permettre à la prothèse de fonctionner correctement, l’herbe doit préalablement être mâchée pendant 8 à 10 minutes minimum. Il sera donc indispensable, pour les candidats à cette nouvelle pratique, d’apprendre les fondamentaux de la rumination. Des cours et stages de formation seront donc dispensés pour permettre à chacun(e) de faire évoluer sa mastication vers une rumination efficace.
Le recours à des animaux herbivores est d’ailleurs envisagé afin de faciliter l’intégration du processus digestif ; des ateliers de mimétisme seront notamment proposés avec, pour chaque participant, des séquences privilégiées avec un bouquetin, une chèvre ou un âne.
Eloïse Graminée, l’une des premières candidates à l’opération, indique « Ne pas avoir eu trop de difficultés à intégrer la rumination dans (sa) vie de tous les jours. C’est une activité assez stimulante qui permet de nourrir l’introspection et de méditer sur la place de l’humanité dans l’univers. En cela, les animaux ont encore beaucoup à nous apprendre ».